Raison pour laquelle, peut-être, j’ai vécu des années au Laos, au Japon, puis en Israël. Mais pour laquelle aussi je ne voyage presque plus. J’ai largement épuisé la joie de franchir les frontières. Le tourisme de masse s’est fait du voyage une idée que je ne partage pas : trop d’agitation. Au lieu d’approfondir, on survole. Je n’exclus pourtant pas de repartir en voyage, rien n’est définitif. Et c’est heureux.
J’ai toujours écrit. Toujours eu besoin de me raconter des histoires, donc d’en raconter. Ce besoin n’est pas tombé du ciel : il est né des romans qui s’alignaient sur les rayons de la bibliothèque familiale et qui me tendaient leurs pages. Très tôt, j’ai commencé à lire. Ce fut une jeunesse de papier : pas de télévision chez nous. L’imaginaire se nourrissait de mots plutôt que d’images. Le monde s’étoffait de mystères. On pénètre les mots, on glisse sur les images.
Apprendre le latin, s’évertuer à le traduire le plus exactement possible, conduit à l’amour précis de la langue maternelle. A l’exigence qu’implique cet amour. Aujourd’hui, il m’arrive souvent de penser que notre rapport à notre langue ayant déserté l’exigence, écrire ne vaut plus la rigueur à laquelle je consacre mes jours. Peine perdue, me dis-je. C’est écrire dans une langue devenue étrangère à la plupart de ceux qui la parlent. J’écris dans une langue qui meurt. Pourtant je continue. Il subsiste tant de lecteurs de tous âges qui aiment « la haute langue », ce que j’appelle ainsi sans prétention, mais sans timidité. Des lecteurs soucieux de cette exigence, qui en ont besoin, et qui la demandent. Qu’ils me lisent m’honore. Cela justifie le travail inlassable. C’est mon viatique.
Après des études de lettres, Jean-Michel Delacomptée a occupé un poste d’enseignant à l’institut français de Kyoto puis de conseiller culturel à Jérusalem, avant de remplir, pendant dix ans, différentes fonctions à l’administration centrale du ministère des Affaires étrangères. Maître de conférences habilité en littérature française, il a ensuite enseigné à Bordeaux puis à Paris 8 Vincennes-Saint Denis. Il a brièvement dirigé la collection « Nos Vies », créée à son initiative en 2015 aux éditions Gallimard.
Sa production d’écrivain consiste principalement en des portraits de personnages historiques et de gens de lettres. Personnages historiques : Henriette d’Angleterre avec Madame la Cour la Mort (1993), La Boétie avec Et qu’un seul soit l’ami (1995), François II avec Le Roi Miniature (2000). Gens de lettres : Racine avec Racine en majesté(1999), Mme de Motteville avec Je ne serai peintre que pour elle (2003), Ambroise Paré avec Ambroise Paré La main savante (2007, Bossuet avec Langue morte Bossuet (2009), Saint-Simon avec La grandeur Saint-Simon (2011). A l’exception du Racine paru chez Flammarion, ces portraits littéraires ont tous été publiés chez Gallimard dans la collection « L’un et l’autre », de même que le dernier livre de cette collection, Ecrire pour quelqu’un(2014). Il a également publié, toujours chez Gallimard, un Petit éloge des amoureux du silence, ainsi qu’un commentaire de la Lettre de Montaigne à son père sur la mort d’Etienne de la Boétie, et une présentation d’Ambroise Paré, Discours de la momie et de la licorne. Il a publié les Mémoires de Mme de Motteville dans la collection « Le temps retrouvé » au Mercure de France (2004), puis deux romans, Jalousies(2004) et La vie de bureau (2006), chez Calmann-Lévy, ainsi qu’une analyse de La Princesse de Clèves, Passions, chez Arléa (2012), en contrepoint de son essai La Mère et le courtisan, La Princesse de Clèves, paru aux PUF vingt ans plus tôt. En septembre 2015, il a publié Adieu Montaigne, chez Fayard, et contribué à l’ouvrage Le bon air latin, également chez Fayard. Enfin, chez Robert Laffont, il a publié en janvier 2016, sous le pseudonyme de Jacques Sarthor, Les Affreux, roman passé complètement inaperçu en dépit de son caractère détonant(ou précisément pour cette raison), suivi en septembre 2016 d’une Lettre de consolation à un ami écrivain remarqué par la critique, et, en août 2017, de nouveau un roman, Le sacrifice des dames, avec toujours le désir d’une langue tenue, et d’une intrigue qui sorte des sentiers battus, placée ici dans la Hongrie du début du XVIème siècle, entre réalité historique et pur imaginaire.